1 Démarche anticorruption
1.1 Historique
L'évolution de la lutte anticoruption, formes et causes
D'autres citations et proverbes anticorruption
Ceux qui remplissent envers la cité quelque fonction doivent la remplir sans recevoir aucun cadeau. Platon
La corruption est un phénomène connu depuis l’Antiquité.
La corruption est un fléau mondial, pour preuve, l’étude du Parlement européen de 2016 qui confirme que le coût annuel de la corruption représente près de 5 % du PIB mondial.
Les conséquences de la corruption sont toujours néfastes. Quelques exemples :
- poursuite pénale
- mauvaise réputation
- amende significative
- concurrence déloyale
- pauvreté aggravée
- obstacle aux investissements
- répartition inégale des richesses
- coût des produits et des services augmenté
- incertitude dans les transactions commerciales
- obstruction du fonctionnement équitable des marchés
Selon Transparency International la liste des dix chefs d'État les plus corrompus est menée par Mohamed Suharto qui aurait détourné entre 15 et 35 milliards de dollars.
L’indice de perception de la corruption (IPC) publié en 2021 par Transparency International couvre 180 pays et territoires. Selon cette étude le pays le plus corrompu est la Somalie (180e place). Le moins corrompu est la Nouvelle-Zélande. La France est classée 22e.
La loi FCPA (Foreign Corrupt Practices Act - Loi sur les pratiques de corruption à l’étranger) est votée en 1977. C’est une loi fédérale américaine avec un énorme pouvoir d’extraterritorialité pour lutter contre la corruption des fonctionnaires à l'étranger voulant obtenir un avantage commercial.
Les quarante recommandations du GAFI (Groupe d'Action Financière sur le blanchiment de capitaux) datent de 1989.
La loi française n° 93-122 du 29 janvier 1993 est relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.
Le plan anticorruption de la Banque Mondiale (Combattre le cancer de la corruption) date de 1996.
Les Règles de conduite pour combattre l’extorsion de fonds et les pots de vins de la CCI (Chambre de Commerce Internationale) ont été publiées en 1997 et depuis sont révisées.
La première édition de la norme SA8000 (Responsabilité Sociale) est publiée en 1997.
Les Vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption (Résolution (97) 24) sont élaborés par le GRECO (Groupe d’États contre la corruption) en 1997.
La Convention de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) contre la corruption d’agents publics étrangers est signée en 1997.
Deux conventions GRECO sont apparues en 1999 :
La convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales des pays membres de l’OCDE est entrée en vigueur en 1999.
La Recommandation sur les codes de conduite pour les agents publics (Recommandation n° R (2000) 10) de GRECO date de 2000.
La Recommandation sur les règles communes contre la corruption dans le financement des partis politiques et des campagnes électorales (Recommandation Rec(2003)4) de GRECO est publiée en 2003.
Le Protocole additionnel à la Convention pénale sur la corruption (STE 191) de GRECO est apparu en 2003.
Le Pacte Mondial, référentiel volontaire de responsabilité sociétale des entreprisesstructure qui satisfait un besoin (voir aussi ISO/IEC Guide 2, 4.2 et ISO 26 000, 2.12) a inclus un 10ème principe contre la corruption (« Les entreprises sont invitées à agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l’extorsion de fonds et les pots-de-vin. »), ONU, 2004, cf. § 7.3.
En 2004 l’ONU adopte la Convention des Nations Unies contre la corruption.
Les principes anticorruption du PACI (Partnership Against Corruption Initiative - Initiative de partenariat contre la corruption) datent de 2004.
La loi n° 2007-1598 relative à la lutte contre la corruption est adoptée en 2007.
La norme ISO 26000 (Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale) est publiée en 2010.
L’adoption en 2011 de la norme britannique BS 10500 Système de management anticorruption a servi de base pour la création et la publication de la norme ISO 37001 (Systèmes de management anticorruption — Exigences et recommandations de mise en œuvre) en 2016.
La loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 », relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique oblige les entreprises de plus de 500 salariés et un chiffre d’affaires de plus de 100 millions d’euros de lutter contre la corruption.
L’Avis relatif aux recommandations de l’Agence française anticorruption pour prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics et de favoritisme est publié au Journal Officiel, 12/01/2021.
Une entreprise opérant à l'international se trouve souvent exposée aux lois de plusieurs pays.
La corruption peut prendre diverses formes. Quelques exemples de situations à risques (de corruption) :
- enveloppe (sous la table)
- cadeau :
- billet de spectacle
- billet d’événement sportif
- alcool
- parfum
- voyage touristique (présenté comme voyage d’affaires)
- paiement déguisé :
- facture (trop élevée)
- frais de consultant (non indispensable)
- commission de tierce partie (non nécessaire)
- paiement de facilitation :
- sortie de douane (express)
- obtention de visa ou permis (express)
- hospitalité :
- visite touristique offerte
- hôtel offert
- invitation à une réception mondaine
- offre d’emploi :
- embaucher un parent (sans concours)
- embaucher un ami (et recevoir une faveur)
- service gratuit en échange de promesse alléchante
- frais de déplacement (excessifs)
- donation (incluse dans le contrat)
- frais de scolarité offerts
- acceptation de produits de qualité médiocre en contrepartie d’un profit personnel
- surfacturation (liquidation d’un stock de marchandises désuètes au prix du marché à l’aide d’un complice)
- tentatives de contournement de recours à un appel d’offres (privilégier un seul fournisseur)
- appels d’offres ne prenant pas en compte la compétence technique des candidats
- achats inutiles
- spécifications ambiguës
- commandes successives auprès du même fournisseur sans appel d’offres
- appel d’offres avec délai non réaliste (trop court)
Les causes de la corruption sont diverses et variées :
- mauvaise gouvernance générale
- absence de politique anticorruption
- institutions peu respectées
- salaires faibles (pauvreté)
- culture administrative au rabais
- conflit d’intérêts dissimulé
Quelques mythes liés à la corruption :
- ce n’est pas moi, c’est l’autre – la corruption implique toujours deux acteurs coupables : celui qui offre et celui qui reçoit (corruption active et passive)
- la corruption est un crime sans victime, c’est juste un lubrifiant pour graisser les rouages – la corruption sape la confiance, elle peut détruire une réputation, une carrière, une vie
- la corruption fait partie de la vie – la corruption peut être évitée, dans la plupart des pays du monde c’est un délit pénal
1.2 Bénéfices
Bénéfices d'un système de management anticorruption
La valeur de l'entreprise découle de ses performances, et ses bénéfices sont la conséquence de notre vision à long terme. Bernard Arnault
La norme ISO 37001 (Systèmes de management anticorruption – Exigences et recommandations de mise en œuvre) est générique car elle s'applique au système de management de toute entreprise, sans aucune contrainte relative à la taille, l'activité ou le type. C'est une norme volontaire internationale qui permet la certification par un organisme accrédité (de certification).
L’audit tierce partie (par un organisme de certification) a pour finalité de vérifier si les exigencesbesoin ou attente implicites ou explicites (voir aussi ISO 9000, 3.1.2 et 3.12.1) de la norme ISO 37001 sont respectées. Ce n’est en aucun cas de chercher l’existence ou non de corruption.
La norme aide à prévenir, détecter et traiter efficacement tout risque de corruption.
Un système de management anticorruption (SMAC) mis en place soutien la lutte quotidienne contre les affirmations (excuses) de ce genre :
- je ne savais pas que c’était défendu
- je ne me suis pas rendu compte que c’était si grave
- mais c’est du gagnant-gagnant !
- si je ne le fais pas, quelqu’un d’autre le fera
- mais ici tout le monde fait comme ça !
- la seule façon de rester sur le marché est de payer des pots-de-vin
- mais cela va nous faire perdre le contrat !
- j'étais vraiment mal à l'aise avec les sommes d'argent que je recevais
- ce n'est pas du tout facile de dépenser de grosses sommes d’argent sans vous faire remarquer
Bénéfices attendus de la mise en place d’un SMAC ISO 37001 :
- les risques de corruption sont identifiés et traités
- amélioration de la confiance des parties prenantes
- consolidation de la crédibilité et de la réputation de l’entreprise
- établissement d’une culture d'intégrité et de communication transparente
- obtention d’un avantage concurrentiel
- réduction des coûts
- prérequis pour appels d’offres publics des marchés sensibles
- prévention des conflits d’intérêts
- personnel sensibilisé, consulté, motivé et fier
- opportunités d’amélioration suite à la détection de mauvaises pratiques
- bonnes pratiques valorisées de prévention de la corruption
- satisfaction des parties prenantes renforcée
- prévention du risque juridique et pénal
- protection du patrimoine de l’entreprise
- réduction des surprises opérationnelles
- meilleurs résultats économiques suite à la réduction de pertes financières
Airbus, l'un des leaders mondiaux de l'aéronautique, a mis en place l'ISO 37001 pour renforcer sa culture d'éthique afin de prévenir les risques de corruption et de fraude. La mise en place d'un système de management anti-corruption (SMAC) a permis de sensibiliser les employés aux risques de corruption et de mettre en place des mesures de prévention efficaces.
Airbus a enregistré une amélioration significative de son image de marque, démontrant son engagement de transparence et d'intégrité envers ses clients et ses partenaires.
Quelques facteurs incontournables pour le succès de la mise en place du SMAC :
- principaux risques de corruption identifiés
- politique anticorruption promue et respectée
- évaluation de chaque nouveau client
- sélection et qualification de tous les fournisseurs
- sensibilisation de l’ensemble du personnel à la prévention de la corruption
- procédure d’alerte vivante
- conduite régulières de diligences raisonnables
- processus de recrutement efficace
- moyens de contrôle appliqués raisonnablement
1.3 Étapes
Etapes de la préparation et la mise en place d'un SMAC, cycle de Deming
Une démarche bien préparée est à moitié réussie
La démarche pour mettre en œuvre un système de management anticorruption passe par plusieurs étapes. Un exemple de préparation est montré en figure 1-1.
Figure 1-1. Préparation d'un SMAC
L'étape 1 comporte l’identification des besoins et attentes (exigences) des parties prenantes :
- personnel, syndicats
- clients, consommateurs
- prestataires externes (fournisseurs, sous-traitants, partenaires)
- actionnaires, investisseurs, assureurs, banquiers
- concurrents
- organisations et associations de branche, collectivités
- média, voisins
- autorités légales et réglementaires
L'implication de la directiongroupe ou personnes chargés de la gestion au plus haut niveau de l'entreprise (voir aussi ISO 9000, 3.2.7) à son plus haut niveau est réellement indispensable. Les conseils d'un consultant sont souvent sollicités. C’est le moment pour réaliser un état des lieux du système de management anticorruption (ou de ce qui existe). Choisir un organisme externe de certification.
Une des questions clés qui vient très vite (étape 2) est la nécessité de cette décision. Si cela n'est vraiment pas nécessaire (les bénéfices semblent insignifiants) ou si l'estimation des coûts de la démarche de certification dépasse les ressources disponibles, on fera mieux d'abandonner tout de suite.
Les normes de la famille ISO 9000 vous empêcheront de faire des promesses que vous ne pouvez tenir et vous aideront à honorer celles que vous pouvez tenir. David Hoyle
L’internalisation de l’esprit des principes et des exigencesbesoin ou attente implicites ou explicites (voir aussi ISO 9000, 3.1.2 et 3.12.1) d’une norme ISO permet d’améliorer sensiblement la performance globale de votre entreprisestructure qui satisfait un besoin (voir aussi ISO/IEC Guide 2, 4.2 et ISO 26 000, 2.12), surtout quand cela n’est pas considéré comme une contrainte.
La troisième étape doit déterminer si cette démarche reçoit l'approbation du personnel. Une campagne de communication en interne est lancée sur les objectifs du système de management anticorruption (SMAC). Le personnel est sensibilisé et comprend que sans sa participation le projet ne pourra aboutir.
Ayez confiance, le succès viendra avec l'implication et l'effort de tout le personnel !
Définir la vision (ce que nous voulons être), la mission (pourquoi nous existons) et le plan stratégique de l'entreprise. L'étape suivante (4) comprend l'établissement d'une ébauche de la politique anticorruption et de ses objectifs. Si vous ne possédez pas encore un exemplaire de la norme ISO 37001, c'est le moment de l'obtenir (cf. § 2.1 du présent module).
La planification est la dernière étape (5) de la préparation du projet d'obtention de la certification ISO 37001. Une période raisonnable se situe entre 5 à 8 mois (chaque entreprisestructure qui satisfait un besoin (voir aussi ISO/IEC Guide 2, 4.2 et ISO 26 000, 2.12) est spécifique et unique). Les ressources (financières et en personnel) sont confirmées par la directiongroupe ou personnes chargés de la gestion au plus haut niveau de l'entreprise (voir aussi ISO 9000, 3.2.7). L'engagement de la directiongroupe ou personnes chargés de la gestion au plus haut niveau de l'entreprise (voir aussi ISO 9000, 3.2.7) est formalisé dans un document et communiqué à l'ensemble du personnel. Une personne est nommée chef du projet d’obtention du certificat ISO 37001.
L'établissement et la mise en place du système de management anticorruption ISO 37001 sont montrés dans la figure 1-2.
Figure 1-2. Mise en œuvre d'un SMAC
L'étape 1 consiste à identifier et définir les processus, les interactions, les pilotes, les responsabilités et les brouillons de certains documents. Avec la participation du maximum de personnes disponibles sont rédigés les premières versions des fiches de processusactivités qui transforment des éléments d'entrée en éléments de sortie (voir aussi ISO 9000, 3.4.1), des descriptions de fonction et des instructions de travail.
Dans l'étape 2 sont fixées les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs issus de la politique anticorruption. Une planification des tâches, responsabilités et délais est établie. Une formation des auditeurs internes est prise en compte.
L'étape 3 permet de définir et mettre en place les méthodes permettant de mesurer l’efficacité et l’efficience de chaque processusactivités qui transforment des éléments d'entrée en éléments de sortie (voir aussi ISO 9000, 3.4.1). Des audits internes permettent d'évaluer le degré de la mise en place du système.
Les non-conformités en tout genre sont répertoriées à l'étape 4. Une esquisse des différents gaspillages est établie. Des actions correctives sont mises en place et documentées.
Une première appréciation des outils et domaines d'application du processusactivités qui transforment des éléments d'entrée en éléments de sortie (voir aussi ISO 9000, 3.4.1) d'amélioration continue est faite à l'étape 5. Des risques sont déterminés, des actions sont planifiées et des opportunités d’amélioration sont trouvées. Une approche de prévention des non-conformités et d'élimination des causes est établie. La communication en interne et en externe est établie et formalisée.
Pour effectuer l'audit à blanc du SMAC (étape 6) la documentation est vérifiée et approuvée par les personnes appropriées. Une revue de directionexamen périodique réalisé par la direction du système de management pour son amélioration continue (voir aussi ISO 9000, 3.8.7) permet d'évaluer le respect des exigencesbesoin ou attente implicites ou explicites (voir aussi ISO 9000, 3.1.2 et 3.12.1) applicables.
La politique anticorruption et ses objectifs sont finalisés. Un responsable anticorruption d'une autre entreprisestructure qui satisfait un besoin (voir aussi ISO/IEC Guide 2, 4.2 et ISO 26 000, 2.12) ou un consultant pourra fournir de précieuses remarques, suggestions et recommandations.
Quand le système est correctement mis en place et respecté, la certification du SMAC par un organisme externe devient une formalité (étape 7).
Un exemple de plan de projet de certification comportant 25 étapes est présenté dans l'annexe 01.
Une méthode pertinente pour évaluer le niveau de performance de votre système de management anticorruption est la logique RADAR du modèle d’excellence de l’EFQM (European Foundation for Quality Management) avec ses 9 critères et sa note globale sur 1000 points.
Le cycle PDCA, ou cycle de Deming (figure 1-3) s’applique à la maîtrise de tout processusactivités qui transforment des éléments d'entrée en éléments de sortie (voir aussi ISO 9000, 3.4.1). Les cycles PDCA (de l'anglais Plan, Do, Check, Act ou Planifier, Dérouler, Comparer, Agir) sont une base universelle de l’amélioration continue.
Figure 1-3. Cycle PDCA
- P (plan) : planifier, identifier les obligations anticorruption, définir le contexte, les enjeux et les processus, faire preuve de leadership, identifier et évaluer les risques, établir la politique anticorruption et ses objectifs, plans d’action (articles 4, 5, 6 et 7)
- D (do) : dérouler, réaliser, mettre en place et maîtriser les processus, faire preuve de leadership, moyens de contrôle, cadeaux, signalement, traitement (articles 5, 7 et 8)
- C (check) : comparer, vérifier, évaluer, inspecter, analyser les données, réaliser les audits et revues de direction, faire preuve de leadership (articles 5 et 9)
- A (act) : agir, adapter, faire preuve de leadership, traiter les non-conformités, réagir avec des actions correctives et trouver de nouvelles améliorations (nouveau PDCA), (articles 5 et 10)